On dit qu’il reste une dizaine d’entre eux. Des moines, traditionalistes, derniers descendants des inquisiteurs. Vivants reclus dans des monastères, priant la journée, enquêtant la nuit. Le plus connu se fait appeler PIE X. Personne ne l’a vu, personne ne sait s’il existe vraiment. Il est le plus virulent de tous. Il traque de manière obsessionnelle les dernières sorcières, les héritières des sortilèges transmis depuis les temps sombres du moyen âge.
Yannoug-Avanine Nagaki est parfaitement informée des activités de Pie X. Présidente de la Cours qui juge actuellement cinq hommes accusés d’avoir torturé et brulé vif un jeune homme originaire du Mali pour le plaisir, elle se concentre et reprend tout le dossier afin de s’assurer qu’aucune erreur ne puisse lui être opposée. Ses dossiers sont inattaquables. C’est son immense force de frappe. Et tout le monde le sait.
Elle jette un œil à sa montre CODE 11.59 by Audemars Piguet et tique. Elle a le choix. Relire une dernière fois le dossier, d’une part, et être parfaitement prête ; rejoindre Daniel, d’autre part, déjeuner sur le pouce et assister aux plaidoiries de la défense sustentée.
Pour la première fois de sa vie, et d’une manière totalement inédite, la prudence pourrait lui être fatale.
Car dans l’ombre de son bureau, trente et une minute avant l’audience, deux bras se tendent en direction du cou gracieux de Yannoug-Avanine, deux mains serrant chacune l’extrémité d’un câble en acier de 3 mm de diamètre et de quarante-deux centimètres de long. Le câble capture le cou de la juge Nagaki deux doigts au-dessus de son collier Cartier articulé Meli-mélo en Calcédoine et or blanc.
Dans le long miroir, sur son côté droit, Nagaki a juste le temps d’apercevoir les silhouettes de deux fantômes derrière elle avant que le piège mortel ne se referme sur elle. C’est la lueur orange qui barre le visage du plus grand qui attire son attention. C’est la signature de Pie X. Des nanoparticules fluorescentes projetées par Louise Van Hupper lors de son agression il y a trois ans. Louise et Yannoung sont les arrières-arrières petites filles de Jerioubielle, la troublante voyante de George Washington. Celle qui a poussé le Premier Président des Etats-Unis en 1735 à entreprendre une chasse à mort contre l’inquisition. Ce crime ne pouvait pas rester impunis. Et toute trace de cette thaumaturge devait disparaître.
Pie X est un traqueur implacable. Mais il ne se renseigne pas assez sur ses victimes. La juge Nagaki est experte en shurikenjutsu. Comme la pression s’imprime fortement sur sa gorge, Yannoung, les deux mains libres, lâche deux shuriken qui volent vers leurs cibles. Pie X n’esquive pas l’étoile qui lui lacère le visage. Son disciple se jette sur le côté mais trop tard. Les deux moines se tiennent le visage de douleur. La juge, concentrée, déterminée, dégaine son katana Kotyuu et, en deux mouvements appliqués de haut en bas, tranche les hommes de dieu en deux parties parfaitement égales.
Elle prend le temps d’essuyer son sabre, de ranger ses deux étoiles Ninja – c’est à ça qu’on reconnaît un guerrier.
Puis elle referme son dossier, quitte son bureau et appuie sur le bouton de l’ascenseur. Les yeux brillants, la démarche guerrière, elle est prête à carboniser les cinq accusés.