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3615 JOSEPHINE

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3615-JOSEPHINE

On est quatre dans la petite pièce, chacun séparés par une cloison transparente. Au fond, Robert et Patrick, et à côté de ma cabine, Joëlle, la seule femme du groupe.

Un grand silence plane parmi nous. Silence simplement ponctué de milliers de minuscules claquements, rapides et répétitifs. Tous les quatre penchés sur nos claviers, une Gauloise au bec, nous répondons aux demandes de nos interlocuteurs.

Au-dessus du canapé, un immense logo « 3615  JOSEPHINE » barrant la poitrine d’une pin-up rousse qui se mord l’index dans un geste coquin de la bouche tandis que ses yeux espiègles brillent d’un éclat torride, annonce la couleur. Cette affiche est placardée dans toute la ville et invite chacun à se connecter sur son minitel pour un rendez-vous polisson. Ou plus si affinités. Et sur les murs, pas dizaines, des pense-bêtes, des antisèches, des idées de relance, des slogans et des interrogations recouvrent la tapisserie : « Je sors de la douche, je suis toute mouillée. », « je me promène dans ma chambre, je ne porte que ma culotte. Tu veux que je l’enlève ? », « Tu penses à moi ? », « comment tu veux que je m’installe ? », « par quoi je commence ? »

3615 JOSEPHINE, la gloire du minitel rose.

Je suis crevé. Huit heures que je réponds à toute une tripotée de mecs qui s’excitent sur ma mise en scène de déshabillage avant de me foutre au pieu, sur mes courses au supermarché sans culotte, sur ma manière de me frotter dans mes draps, sur mes séances sulfureuses chez le kiné, et autres poses passionnées avec un photographe lubrique.

Je prends ma pause.

Joëlle me jette un regard envieux et décrit un cercle avec son index pour m’indiquer qu’elle est la prochaine. Sept minutes de break. Je me rue sur la machine à café, prépare deux expressos serrés, passe aux toilettes vite fait et vide la première tasse en contemplant le soleil se coucher au-dessus des immeubles d’en face.

—      Eh, Damien ! m’interpelle Robert. Encore un type qui ne veut converser qu’avec Isa. Je te le transfère.

Je lui adresse un signe de menton et lui signifie OK avec un geste de la main. Le temps d’avaler la seconde tasse, de me bruler la langue, d’allumer une maïs et je regagne ma place derrière mon clavier.

Je suis animatrice minitel. C’est le terme indiqué sur mon contrat de travail. Depuis 4 ans.

Une migraine se manifeste sourdement dans la région de ma nuque. Faut dire que je termine mon cinquième jour et que je commence à être gravement en manque d’inspiration. Ce soir, j’ai rendez-vous avec mes vieux potes du lycée. On va boire des bières jusqu’au petit matin en tirant à la carabine sur des pinces à linge au rythme des Sex Pistols et des Beru. Ça va être génial.

En attendant, je me glisse dans la peau de la sage Isa, secrétaire coincée qui rougit à chaque proposition chaudasse. Je cartonne avec le profil d’Isa. C’est ma plus belle composition. Je jongle aussi avec plusieurs autres nanas, dont Chloé, qui adore être matée, et Claudine qui se douche au point de vider la nappe phréatique et de ne plus avoir d’épiderme tant elle se savonne.

Le type que me passe Robert veut jouer le rôle du patron, épuisé par une réunion compliquée, et qui demande à Isa d’ouvrir un peu plus les boutons de son chemisier. Bien sûr, Isa commence par refuser. Le type insiste et la secrétaire, soumise, obéit, les joues cramoisies. Isa est farouche, mais cède facilement. Sous la pression, elle finit par se lever et se penche en avant sur son bureau. Les seins dans les livres de compte, elle remonte sa mini-jupe sur ses fesses. Et si elle accepte finalement de baisser sa culotte, c’est à l’unique condition qu’il la zyeute sans la toucher. L’autre ne doit plus contrôler son excitation, car il coupe la communication. Ça marche à tous les coups, Isa est la plus forte !

Et quand enfin je me pointe chez Seb, la bouche sèche, avec le désir lancinant de me décoller la langue avec une bière et une sacrée envie de pisser — j’ai bu au moins cinquante cafés —, les copains sont tous là. Ils ont une putain d’avance sur moi, et je vais devoir courir un moment derrière eux avant de les rattraper. Ils m’accueillent avec des cris et des sifflements.

—      Isa ! Isa ! Isa ! hurlent-ils en chœur.

Je les regarde un à un. Qui a vendu la mèche ? Comment connaissent-ils mon pseudo ? Et surtout, lequel ou lesquels j’ai déjà eus à l’autre bout du clavier ?

Je ferme les yeux, je ne veux rien savoir et je vide ma première bière d’un trait.

It’s Friday, baby !

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La publication a un commentaire

  1. bulsa

    J’adore tes histoires. Bravo Doc

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