les urgences, mon équilibre, mon adrénaline

Écrivain médecin : comment la médecine mène-t-elle à l’écriture ?

Parce que je ne suis parvenu à me décider sur un avenir créatif, que je n’ai pas su trouver le chemin des arts, me voici embarqué dans des études de Médecine !

Alors, qu’est-ce que vient faire la médecine là-dedans ?

1.      Un mardi humide

J’ai commencé mes études de médecine un mardi 5 octobre. Il faisant froid et humide. Le vent balayait les feuilles sur les trottoirs. Je me souviens que la Faculté de Strasbourg était un peu triste sous le ciel gris.

L’ambiance joyeuse et bruyante qui régnait sur le parvis, dans les couloirs et dans les deux immenses amphithéâtres contrastait avec l’ambiance automnale. Je me suis senti un peu petit au milieu de cet environnement nouveau. Et comme je ne connaissais personne, j’ai traversé les groupes et j’ai trouvé une place dans le plus petit amphi.

Il n’a pas fallu longtemps à mes camarades et à moi-même pour nous trouver plongés dans le vaste monde de la médecine. Par la petite porte. Tout au début de la chaine.

Heureusement qu’à 18 ans on se lance sans évaluer, compter ni réaliser l’immensité de la tâche, la hauteur de l’édifice, le nombre d’étage à gravir.

J’attaque les premiers jours, courageusement, et voici les premiers cours, la base des bases. De l’anatomie, beaucoup : de jolis dessins, il me semble qu’à ce moment, je souhaite devenir chirurgien. Alors l’anatomie, c’est important. De l’embryologie, où comment deux cellules donnent naissance à un œuf et à un embryon. Passionnant. Comment ce développement est-il possible ? Comment les erreurs de code sont si peu nombreuses ? De la biochimie, où comment une chaine protéique peut se découper en acides aminés, la différence en le glucose, le fructose et le saccharose.

La première année est une année particulière, celle du concours. A mille années lumières de Parcoursup et des prépas privées, à une époque où on pouvait encore avoir médecine avec un bac très médiocre et en travaillant seul chez soi le soir, une année de mise en bouche. Ou comment le corps humain fonctionne. Les bases de la bonne santé en quelque sorte.

Est-ce une question de chance ou de bonne organisation ? Je ne sais pas. Mais j’obtiens ma première année du premier coup.

La seconde année est le prolongement de la première, mais bien plus marrante.

La pression a totalement disparu.

Et chacun de mes camarades assis autour de moi a été accepté dans la grande famille des Étudiants en Médecine. Et ce n’est pas rien. On a été validé. Et on s’en amuse. Tous les gags subit l’année précédente est repris avec la joie de ne plus craindre l’élimination. Fini le bébé bizuth, fini la peur de travailler pour rien, on s’habitue avec joie avec la notion de devenir médecin. Certain s’investissent à fond dans l’Amicale, les Faluches, les soirées, moi je reste avec ma petite bande de copain et on boit des verres, on découvre la vie d’étudiant en ville, on s’épanoui, comme à la sortie d’une longue et douloureuse hibernation. Tout devient sympa et bienveillant, on s’ennuie un peu en cours, on commence à comprendre que se n’est pas en amphi que ça se passe, on se couche tard, on rigole bien.

La troisième année, est l’année de la découverte de l’hôpital. On passe la blouse, on pénètre dans les grands bâtiments impressionnants, on rencontre nos premiers patients, nos premiers internes, on découvre la vie des équipes dans les services. On est tout fier de porter nos stéthoscopes. Deux activités me passionnent : la chirurgie toujours, mais aussi la réanimation et le SAMU. J’apprends à perfuser, ce qui me semble la base.

Les quatrièmes, cinquièmes et sixièmes années sont les années d’Externe. Des hordes de mini-médecins, un peu bons à tout faire, les petites mains des internes et des chefs capricieux, ceux sur lequel il est tellement facile de hurler et de se défouler mais ceux qui résistent, progressent, apprennent, se façonnent, se passionnent, et montent les marches du savoir. Qui sont de plus en plus forts, de plus en plus respectés, de plus en plus médecins. Ce sont les année passées à SOS mains derrière un microscope à réparer des mains abimées, écrasées, coupées. Ce sont des années passées dans les ambulances du SAMU, puis mes premières gardes de Pompier. Je me régale. J’adore les gardes de nuit. La découverte de la réanimation et des Urgences. Les Urgences qui ne me quitteront plus.

Pourquoi les Urgences ?

Je ne sais pas.

Au début, j’adore suturer les plaies, enquêter sur les symptômes, échafauder des hypothèses, les tester avec des examens biologiques et radiologiques, les confronter à mes connaissances puis les proposer aux médecins spécialistes. Puis passer la main et recommencer. Ça va vite, on traite plusieurs enquêtes en même temps, on travaille en équipe et même quand c’est dur, on n’est pas tout seul. Tous embarqués dans la même garde, dépendant les uns des autres mais jamais seuls.

C’est l’excitation de foncer dans les ambulances au son du deux-tons, la surprise de l’intervention sur laquelle on arrive, l’effroi parfois de certaines situations.

Ces années sont celles aussi d’un ennui terrible dans les services hospitaliers, visites interminables, visites répétitives, visites insupportables. Il ne se passe rien. Tout est trop lent. Heureusement, MTV vient d’arriver et M6 diffuse des clips le matin. Je me gave des images de ces clips.

Souvenir, Volutes partent en fumée de Bashung. Long plan séquence, Bashung — tout jeune — chante, des avions les survolent en phase d’atterrissage, une femme fait du stop, des voitures, des camions, un tracteur. C’est tout un univers, ces images en noir et blanc, cette ambiance de loose mais aussi d’insouciance, de voyage, de bohême. C’est mon état d’esprit. Partir, s’évader, rêver. Le clou du clip est au time code 3.03. Je suis bluffé.  Comment il ose faire ça ? Énorme. C’est le temps où les images et le cinéma me télescopent, me traversent, m’emportent. Où je passe mon temps dans les salles. Et dans les bars à écouter du jazz toute la nuit. Et du rock indépendant à la Salamandre.

Pendant les visites, je ne n’écoute rien, je ne suis plus là, ailleurs, très loin.

C’est le temps des longues balades en forêt et dans les Vosges.

Le contact de la nature donne de la matière à mes envies d’escapades. Les choses se précisent. Mon imaginaire prend le dessus et des milliers d’histoires naissent, nouvelles, romans, courts métrages, pièces de théâtre, chansons.

Et puis se profile l’Internat.

Les septièmes et huitièmes années.

Avec ces années, changement de cap, direction Montpellier, le Sud de la France, les hivers où il fait toujours beau, la découverte des Cévennes, de la régate à la voile. La pneumologie et les Urgences de Nîmes, premières grosses difficultés et incompréhensions. Puis le SAMU et un élan d’enthousiasme. Et la Réanimation. Je me passionne pour les gestes techniques, pose de voies centrales, de drains en tout genre, intubation, manipulation des appareils de mesures, respirateurs, utilisation de nombreux médicaments antalgiques, anesthésiques, cardiaques. Une certaine sensation de toute puissance grisante.

C’est l’année aussi de la première victoire de la France à la Coupe du Monde de Football, et ce n’est pas rien dans les mémoires.

Et l’année de la fin de mes études, peut-être pas aussi glorieuse que la levée de cette coupe dorée, mais tout de même !

C’est le temps des copains, des discussions passionnées et alcoolisées, le temps des rencontres, du cinéma, toujours

Naturellement, je choisis de m’engager chez les Pompiers. Médecin Capitaine à la Grande-Motte tout d’abord, puis à Montpellier.

2001 est l’année de ma thèse.

L’accomplissement.

L’entrée en grande pompe dans la grande famille des Docteurs en Médecine.

Emouvant.

Même après toutes ces années, je vous assure !

La robe rouge et tout le cérémonial.

Tout le monde y va de sa petite larme.

Et le temps des Urgences à l’hôpital de Béziers.

Un métier magnifique mais si dur.

Je ne tiens pas le coup.

Et décide de remplacer le médecin généraliste qui part à la retraite dans le village voisin du mien. Commence alors une période calme, puis posée, où le temps des consultations me permet d’entrer réellement en relation avec mes patients. Je découvre la vie des gens, leur intimité et je suis admiratif de ce qu’ils osent me confier, admiratif de la confiance qu’ils me portent. Ils me donnent énormément. Le médecin généraliste est un vrai médecin. Le seul capable de faire le lien, le seul capable d’embrasser l’ensemble des pathologies, la médecine générale est la seul discipline complète. Il faut tout savoir. C’est impressionnant. Mais l’écoute et l’empathie me consument petit à petit et l’exercice solitaire me pèsent. Mes amis restés aux urgences me font du pied à chaque fois que je les rencontre et j’y retourne.

Heureux, je retrouve le travail d’équipe, les rigolades, les rythmes effrénés, la gentillesse et le dévouement des équipes, la technique, les intervention SMUR, l’hôpital, le travail de nuit, la satisfaction du travail accomplit, le jour qui se lève et libère, rentrer à la maison épuisé mais heureux.

Et la médecine là-dedans ?

urgences = médecine générale ! partir d’une symptôme, d’une plainte, l’étoffer, chercher et aboutir à un diagnostic.

médecine spécialisée = avoir déjà le diagnostic et le prendre en charge. La démarche est différente, voire opposée