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Berurier Noir

Il m’a fallu entrer dans la cabine téléphonique.

Saisie aussitôt par l’odeur de pisse et de crasse.

Je n’ai rien eu d’autre comme idée.

Le casque de mon walkman vissé sur les oreilles, les Berurier Noir à fond, les mains tremblantes.

D’habitude, les Berus me font speeder et sauter en l’air. Mais là, ils ne me donnent pas du tout le courage que j’aimerais avoir.

Les deux types qui me suivent depuis tout à l’heure se plaquent contre la vitre. Je leur tourne le dos. Mais sentir leurs regards me reluquer  le cul me file la nausée.

Je ne me reconnais pas. D’habitude, je gueule, je me bats, je me débrouille. Là, rien. Je suis paralysée, comme une petite fille face à une menace qui la dépasse.

Je décroche le combiné qui pègue et empeste la colle et la gerbe.

Putain, qu’est-ce que font les gens dans les cabines ?

Je n’ai pas de carte. Les mecs vont s’en apercevoir. Mais je continue et compose le 17 sans discrétion. Pour qu’ils s’apercoivent que j’appelle les flics.  La tonalité change, répétitions de bips qui indiquent une recherche. Coup de bol, le téléphone fonctionne gratuitement pour joindre les condés.

Un grand bruit me fait sursauter. L’un des types vient de taper sur la vitre de la cabine du plat de la main.

—           Salope ! On voit bien que tu fais semblant ! Sors de là !

—           À moins que tu rêves de te faire défoncer la chatte avec le téléphone ! ricane l’autre.

—           Police secours, répond une voix métallique au bout du fil.

—           Au… secours…, je  bégaie bêtement.

Mes mots s’étranglent dans le fond de ma gorge.

—           Je n’entends rien, parlez plus fort !

—           Je suis dans une cabine et j’ai besoin de secours ! je parviens à articuler.

Les types frappent comme des bourrins sur la vitre.

—           Il y a trop de bruit, parlez plus fort ou demander à vos voisins d’être moins bruyants !

—           Venez, ils vont me violer !

—           Je suis désolée, mais je n’entends rien. Pouvez-vous vous isoler dans un espace plus calme ?

—           Je ne peux pas, ils vont me tuer si je sors.

—           Ouvre la bouche, suceuse de queue !

—           Je suis désolée, je vais raccrocher, je n’entends rien.

—           Je suis réfugiée dans une cabine téléphonique, deux hommes me harcèlent et j’ai besoin de votre aide, ils vont me tabasser !

—           Vous encombrez la ligne de la police, vous devriez avoir honte ! Quelqu’un pourrait avoir besoin de secours pendant que vous me faites perdre mon temps !

—           Allez vous faire enculer, toi et tous les flics de la terre !

—           C’est ça, bonsoir à vous aussi.

—           Ça y’est, t’as appelé ta mère ? s’écrie un des types, la main sur sa braguette.

L’odeur de merde qui monte dans la cabine est insupportable.

Les Berus entament « Salut à toi ».

C’est le déclic, le réveil des morts !

D’un coup de Doc, je pousse brutalement la porte contre laquelle un des types me fait des grimaces avec la langue. Il prend la baltringue dans la figure, ses arcades se fendent et projettent du sang sur la vitre. Déséquilibré, il bascule en arrière. Je bondis en hurlant « salut à toi, la gueule de con ! », lui marche sur la tronche et l’autre me saute dessus. Mais je suis déjà loin. Je trace de toutes mes forces en braillant : « Salut à toi, le mec débile, salut à toi, le facho décérébré, salut à toi, le frustré du cul, salut à toi, tas de couilles molles ! »

Une nouvelle fois, Les Berus me sauvent la vie !

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