J’ai eu de la chance de le voir approcher. J’étais sorti ramasser du petit bois et je marchais dans la profonde couche de neige tombée la nuit dernière. Un prétexte pour profiter de la fin de journée ensoleillée, des rayons rasants du soir, du ciel bleu qui se colorait sur les sommets, de la neige craquante.
Je l’attendais. Je savais qu’il finirait par monter jusqu’ici. Qu’il finirait par venir me chercher. J’ai juste eu cette sacrée chance d’être dehors au moment où il s’est décidé à se pointer. J’ai observé sa progression lente et appliquée. Quel bâtard. Je n’avais aucune peine à imaginer ses pensées, à percevoir l’instinct de vengeance qui l’animait. J’ai souri à ses précautions inutiles. De là où j’étais, j’aurais pu le tirer comme un enfoiré de lapin. Légèrement en hauteur, surplombant ma cabane, le tenant en joue de trois quarts.
Je l’ai pourtant laissé avancer, curieux et amusé.
Il a contourné le puits, longé le tas de bois plié en deux, a couru jusqu’au coin de la cabane, ouvert la porte délicatement, est entré, le fusil épaulé, prêt à faire feu. J’ai entendu le bazar que ce fils de pute a foutu chez moi et j’ai soigneusement choisi mon angle de tir.
Quand il est reparu, j’ai appuyé sur la gâchette de mon fusil Beretta Field 691 calibre 28 canons superposés. Je l’ai touché à l’épaule gauche. Je ne voulais pas le tuer. Pas tout de suite. C’était plus marrant de la jouer en plusieurs coups. Il a bondi derrière le cabanon aux outils. Il n’avait pas perdu ses réflexes.
Alors, comptant sur son temps de récupération, je me suis approché rapidement. Il avait probablement repéré d’où provenait le coup et j’ai contourné la cabane par le haut. J’ai rapidement constaté qu’il s’était carapaté. Ce fumier, en plus d’être un jaloux maladif, était un putain de lâche. Il était redescendu dans la vallée au premier accroc.
Je me suis lancé à sa poursuite. Au pas de course. Aidé par la neige qui gardait ses lourdes traces de pas et par ses taches de sang qui perlaient, cailloux du petit poucet. J’ai compté deux chutes. Et sa démarche a commencé à vaciller.
La lune s’est levée, projetant une lumière blanche sur la neige et l’ombre sombre des arbres sur le chemin. C’était vraiment très beau. Un coup de feu a retenti, suivi d’un second qui m’a touché à la cuisse. J’ai retenu mon cri, ne lui procurant pas la joie de me savoir blessé. Profitant de l’ombre, l’enfoiré m’avait tendu un piège. Bien joué. J’ai attendu. Qu’il bouge en premier. Je le connaissais. Il était incapable de tenir en place. Il a bougé. J’ai tiré. Deux fois. Je l’ai vu tomber. Et je me suis approché. Il gisait, défiguré, la moitié du visage emporté dans la neige, l’autre moitié contractée en un affreux rictus. J’ai ouvert mon pantalon et j’ai pissé sur sa gueule en riant. Enfin débarrassé de cette petite pute.
Je suis remonté à la cabane, laissant à mon tour une trainée de sang derrière moi. Tant qu’il m’en restait suffisamment pour rentrer. Là-haut, j’allumerai un feu, avalerai une demi-bouteille de whisky, mordrai dans mon bonnet, farfouillerai à la recherche de la balle et attendrai tranquillement la cicatrisation, en savourant la mort de cette pourriture de Sir Johnattan Delsire. Roti en enfer, fils de pute ! Hahaha !
(défi d’écriture sur la photo d’@annaw0449 proposée par mon amie Marie Bulsa : instagram @auteurmariebulsa)